L'épaisseur d'un cheveu, de Claire Berest
Dès la première page, on sait qu'il s'agit d'un fémincide : "il était alors impossible d'imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Etienne tuerait sa femme."
L'autrice revient sur les trois jours qui ont précédé le meurtre. On suit les petits agacements qui prennent de l'ampleur, les manies d'Etienne, son côté vieux jeu et possessif. Rien d'exceptionnel, mais des petits riens qui vont en s'accentuant. Face à lui, sa femme, Vive, a de plus en plus de mal à garder son calme. On la sent au bord de la rupture. La colère gronde.
Etienne est jaloux et souffre d'un complexe de supériorité qui tourne petit à petit à la paranoïa.
On suit une spirale de douleur, de fêlure et de menace, et j'ai trouvé que l'autrice montrait parfaitement la tension qui monte.
C'est très bien mené. J'ai toujours été étonnée par les lecteurs qui aiment lire d'abord la fin des livres avant d'en savourer la lecture complète. Là on est dans ce cas, et c'est finalement très agréable de porter une attention soutenue à toutes les expressions, gestes ou évènements qui vont amener à l'inéluctable.
L'écriture est fluide tout en étant soutenue. Elle nous percute et nous fait réfléchir. J'ai aimé aussi le questionnement sur le monde de l'art et sur les "transparents" qui corrigent, servent de modèle, font des maquettes ... permettant à l'artiste de finaliser son oeuvre.
Une lecture que j'ai beaucoup aimé.
Extrait : "Ça va bien avec Vive, nous sommes un couple solide, c'est ce qu'Etienne se répétait in petto à intervalles réguliers, depuis dix ans. Avec Vive, nous sommes un couple solide, toujours cette même phrase qu'il lâchait, de l'air entendu du connaisseur, quand il advenait qu'il se laissât aller à une infime confidence personnelle à la fin d'un dîner avec un ami. Solide était un adjectif qu'Etienne appréciait, il avait une couleur ivoire, nette et profonde."