Pour le blogoclub du 1er décembre, nous avions un choix assez large : " votre livre préféré, ou celui que vous avez aimé récemment, un classique ou un contemporain, roman, nouvelles, théâtre, essai… bref, un livre que vous souhaitez nous faire découvrir".
Du coup j'ai eu envie de vous parler d'un de mes auteurs fétiches : Laurent Gaudé (j'ai mis son dernier livre sur ma liste de père-noël mais je ne sais pas si je vais tenir jusque là). Je vais vous présenter une de ses pièces de théâtre parue il y a quelques mois, en mai 2018.
L'auteur part de la mort de Mohamed Bouazizi, le vendeur de fruits et légumes à qui on avait confisqué sa marchandise parce qu'il n'avait pas de licence et qui s'est immolé en décembre 2010 devant la préfecture de Sidi Bouzid.
Par ce sacrifice, Mohamed Bouaziz va devenir l'icône de la révolution tunisienne. C'est le début du printemps arabe qui gagne ensuite l'Egypte, la Libye,la Syrie, le Maroc, le Yemen ou le Bahreïn.
Les insurgés partagent leur colère face au chômage, à la vie trop chère, à la corruption, au mépris des plus riches, à l'humiliation permanente.
Dans une langue poétique et politique, Laurent Gaudé nous entraîne dans la révolte, une lutte à mort et joyeuse, un élan fraternel et une vision polyphonique qui se rapproche parfois du théâtre grecque par le choeur des femmes.
A travers cette foule bruyante et enthousiaste, des portraits vont jaillir, comme ce jeune aveugle pris par la foule, cette jeune fille étonnée de voir sa mère la suivre, deux frères ...
Une écriture puissante, un texte qui se lit en un souffle.
Extraits :
« Il faut un long temps de révolte avortée, de manifestations réprimées.
Il faut être d’une lignée de colères ravalées,
Échine pliée de père en fils, depuis des générations,
Et ce qui naît, alors, c’est ce qui nous traverse aujourd’hui,
C’est une rage plus vieille que nous. »
"Ce que nous trouvons inacceptable, ce n’est plus la misère,
Et les vies de trois francs six sous
Ce n’est plus le chômage,
La corruption
Les journaux muselés,
L’impunité.
Ce que nous trouvons inacceptable, c’est leur gueule,
Leur moue paternaliste
Leur air de mépris, leurs uniformes bien repassés,
Leur visage bouffi. [...]
Ce que nous trouvons insupportable,
Ce sont leurs mots,
Inchangés, vieux et sûrs d’eux-mêmes.
Alors non, il n’y aura pas de réforme,
Parce que dorénavant, il n’y aura de fin
Que lorsque les colosses tomberont."
Bon week-end !