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PAL

Un livre qui est depuis longtemps sur ma PAL, acheté lors d'une braderie des bibliothèques de la ville. Je l'avais choisi pour l'écriture de l'auteur, et je n'ai pas été déçue. Il est très court, 5 nouvelles et 138 pages, mais comme j'ai relu régulièrement les phrases pour la beauté des mots et du rythme, ça m'a pris un peu de temps !

Cinq nouvelles donc, sur des hommes et des femmes de la campagne. Un monde paysan âpre, fait de silence et de rugosité. Des vies simples que l'auteure décrit avec mélancolie et tendresse. Des très beaux textes à l'écriture ciselée qui laisse entrevoir la désespérance du monde rural.

Deux nouvelles m'ont particulièrement marquées :

- "Alphonse" est un homme handicapé. Autiste ? Simplet ? Il aime le travail des femmes, la couture, le reprisage. Il comprend dans le silence et les petits gestes. Tout le contraire de ces saisonniers qui braillent, font des grands gestes et se croient tout permis. Alphonse et Yvonne, la petite bonne, se trouvent, se comprennent. Mais peut-on vivre sereinement quand on est différent ?

"Elle le trouvait beau. Il ne ressemblait à personne. Il avait les yeux bleus. Il était pâle, il était clair, il était doux. Son pas était glissant et léger. Son corps ne sentait pas, ne pesait pas. On ne l'entendait pas, et il était là, dans le carré de lumière de la porte, silencieux et lisse. Parfois il souriait. Il lui souriait. Il ne donnait pas de coups de pied au chien sous la table ; il ne crachait pas, il ne rotait pas, il ne lapait pas bruyamment sa soupe ; il ne riait pas fort avec les autres, qui beuglaient de toutes leurs dents, gorges ouvertes, quand le maître était d'humeur à plaisanter. Il connaissait les travaux des femmes. Il savait le prix d'un sol bien frotté, d'un drap bien tiré sur des couvertures rafraîchies. Il respectait. Elle eut pour lui des menues attentions de bête furtive, une framboise velue cueillie en cachette au jardin, tiède contre la langue, une feuille de menthe froissée près de la fontaine, qui parfumait les doigts et qu'il humait avant de la glisser dans la poche de son pyjama où elle accompagnait son sommeil dans la paix des nuits."

- "Roland" qui s'est suicidé. Un menuisier solitaire, silencieux. C'est son ami qui parle de lui, de son geste. Bouleversant.

"Les traces de vie de Roland et de la chienne sont dans l'atelier, muettes. Elles ne peuvent rien me dire de ces moments où ils savaient qu'ils allaient mourir, les deux, parce qu'il l'avait choisi, lui. C'était la première fois qu'il choisissait. il n'avait pas choisi d'être menuisier, de vivre avec sa mère, dans ce pays, dans cette maison. Il ne s'en plaignait pas. Il disait seulement, quand, parfois, il parlait du frère, que lui avait su vouloir, que toute sa volonté, il l'avait mise dans l'écart, dans la distance entre lui et la glu de la maison, de la mère, de la transmission nécessaire, de l'héritage obligé. Rien n'avait retenu le frère quand Roland, lui, était resté. J'ai passé une nuit dans la maison avec lui, dans son silence, dans la raideur de son corps. Je n'ai pas dormi. J'aurais tant voulu qu'il ait eu moins peur, au moment de. Seulement ça."

Une belle sortie pour mon objectif PAL.