l'école des soignantes

J'aime beaucoup cet auteur que je suis régulièrement, c'est pour cette raison que je me suis empressée d'acheter son nouveau roman (et la librairie me l'a glissé dans un sac en me disant qu'elle l'avait adoré ...).

A partir de 2024 a lieu dans la ville de Tourmens la mise en place de "La Réforme Santé et Communauté". Instituée par le maire, médecin progressiste, cette réforme permet au Centre hospitalier de la ville d'être autonome et indépendant des ministères. Petit à petit, va se mettre en place une approche relationnelle et clinique au lieu de recourir à l'approche industrielle et pharmaceutique. Les soignées sont invitées à prendre part aux décisions qui les concernent et peuvent devenir des "soignées formateurs" en expliquant leurs maladies. La formation des soignants ne se fait plus à la faculté de médecine mais au centre hospitalier holistique de Tourmens (Chht), une école nouvelle où les professions de santé sont décompartimentés et les filières professionnelles fusionnées. Et pour éviter toute hiérarchie genrée, le langage est exclusivement féminin.

Même si les hommes (soignants et soignés) sont acceptés à Tourmens, ils sont très minoritaires.

Hannah est un homme qui, après quinze années employés comme codeur devant des écrans, décide en 2035, de se reconvertir en soignante. Il va donc suivre une formation au Chht : d'abord deux années en tant que soignante pro (anciennement aide soignante), puis panseuse (ex infirmière), avant de poursuivre son parcours en tant que résidente pour devenir officiante (soit médecin). Lors de ce parcours, il doit travailler dans les six pôles : le pôle Enfants pour les moins de huit ans, le pôle Andro pour les hommes de huit à soixante-huit ans, le pôle Physio pour les femmes de huit à soixante-huit ans, le pôle Aînées pour les plus de soixante-huit ans, le pôle Psycho et les Urgences.

C'est ce parcours, son évolution, ses attentes qu'il nous raconte à travers une entretien et des rencontres.

Plus qu'un roman, j'ai eu l'impression de lire un manifeste pour une médecine plus humaine et bienveillante avec moins de consommation médicale. Il s'agit de sortir de l'approche marketing-commerciale des médicaments, des analyses et de l'escalade technologique, pour se tourner vers l'écoute et la compréhension du malade, ceci afin d'éviter des tests et traitements coûteux, à l'intérêt non démontré.

Cette approche me parle et me touche, mais j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup (trop) d'utopie dans ce livre. Tout est beau (sauf le financement à trouver), les malades guérissent ou s'éteignent en toute sérénité, l'écoute suffit à trouver le mal (j'avais parfois l'impression de suivre Dr House !). Nulle part on ne va suivre une jeune fille anorexique qui refuse de manger et qui se fait vomir, ou un enfant atteint d'un cancer, ou une soignée qui entend des voix lui demandant de tuer son voisin ... non, tout est propre et un peu trop gentillet et cela ne m'a pas aidé à entrer dans le livre.

Un autre aspect qui m'a gêné, c'est le côté féministe à outrance. Pour l'égalité des sexes, oui ; mais pour la suprématie de la femme sur l'homme, non. Ainsi cette féminisation du langage : le français est fait de telle sorte que le masculin l'emporte sur le féminin, on peut l'accepter sans passer pour sexiste ... et les hommes sont très peu nombreux à Tourmens. J'y ai vu comme une sorte de misogynie à l'envers. 

Je garderai en mémoire l'aspect important de la transmission vue de manière parfois étonnante (on navigue entre poème et science-fiction) et la démarche très intéressante d'un monde médical plus humain et moins dominé par les lobby pharmaceutiques et les analyses à tout va. L'auteur nous propose un nouveau modèle éthique avec des idées à piocher. J'essaierai d'oublier le côté excessif de la féminisation et du côté tout beau tout propre de cet hôpital.

Extrait : "Dès les premières semaines de formation, les apprenantes écoutent les soignées-formatrices exposer leur vécu intime de l'anatomie, de la physiologie et de ses variantes, et des particularités de leur maladie. D'autres décrivent leur odyssée dans le système de santé. Pendant les heures réservées à l'étude, les apprenantes passent beaucoup de temps à consulter dans la banque de données du Chht! les centaines de témoignages archivés par thème et par situations, puis les discutent en binômes ou en groupe. Ainsi, les soignantes apprennent à formuler les questions avec les soignées au lieu de se les poser - et d'y répondre - à leur place.

Ce type d'apprentissage m'a convenu tout de suite : j'ai toujours préféré avancer en étant guidé plutôt que marcher devant. Dès le début, j'ai aimé écouter ce que les soignées avaient à dire. Et je préférais l'apprendre de leur bouche et non le découvrir à leur insu."