né d'aucune femme

J'étais assez circonspecte avec ce roman. J'avais entendu un critique littéraire qui le comparait au livre "my absolute darling" que j'avais eu beaucoup de mal à lire, et une invitée renchérissait en disant qu'elle avait failli abandonner. Conclusion : ce livre n'est pas pour moi ... mais c'était sans compter le jury des lectrices Elle qui l'a choisi, et me voilà donc avec ce titre entre les mains, à lire pour début avril.

Je commence donc à petit pas et me voilà très rapidement happée. Happée par l'histoire de Rose, vendue à 14 ans pour être bonne à tout faire dans une famille exécrable, happée par le père de Rose et son désespoir d'avoir fait ce geste, son envie de se faire pardonner incompatible avec son silence buté, happée par Edmond, une personne faible qui rêve d'être un homme et happée par Gabriel un prètre généreux et emphatique qui croit à sa mission.

Mais j'ai aimé Rose surtout, qui tient bon dans la tourmente, qui reste digne et se voit sauvée par les mots, quand personne ne lui vient en aide : "Les mots, j'ai appris à les aimer tous, les simples et les compliqués que je lisais dans le journal du maître, ceux que je comprends pas toujours et que j'aime quand même, juste parce qu'ils sonnent bien. La musique qui en sort souvent est capable de m'emmener ailleurs, de me faire voyager en faisant taire ce qu'ils ont dans le ventre, pour faire place à quelque chose de supérieur qui est du rêve. Je les appelle des mots magiciens : utopie, radieux, jovial, maladrerie, miscellanées, mitre, méridien, pyracantha, mausolée, billevesée, iota, ire, parangon, godelureau, mauresque, jurisprudence, confiteor, et tellement d'autres que j'ai retenu sans effort, pourtant sans connaître leur sens. Ils me semblent plus facile à porter que ceux qui disent. Ils sont de la nourriture pour ce qui s'envolera de mon corps quand je serai morte, ma musique à moi. C'est peut-être ce qu'on appelle une âme"

Alors oui, c'est un livre dur et sombre, mais il est vibrant de vie et d'espoir. Ce qui m'avait gênée dans "my absolute darling" c'est le côté malsain allié à une écriture vulgaire. Là au contraire l'écriture est belle, même si l'histoire est essentiellement racontée par l'entremise des cahiers de Rose. Ses confessions sont humbles et précises, on y ressent sa force et sa détermination.

Bouleversant, puissant. A lire.

Extrait : "En vrai, ça dure pas bien longtemps, une journée qui se répète pour rien. Je préfère la nuit. Quand j'en ai pas assez, je garde les yeux fermés une partie du jour. Tout se ralentit dans l'obscurité, vu qu'il y a rien qui indique le temps si on n'a pas de pendule, et il y en a pas dans ma chambre, juste la cloche qui sonne dehors, mais je l'ai perdu depuis longtemps ce compte-là. C'est pour ça que j'aime la nuit, parce que le temps peut s'accrocher nulle part."